Le président du Genepi dans Libération (28 octobre 2008)

Publié le par Lise

Il faut que la prison reste l'ultime recours

  La situation catastrophique des prisons françaises provoque la colère des syndicats pénitentiaires. Entretien avec le président du Genepi, une association de bénévoles qui se consacrent à l'éducation des détenus.

 Prison de l'île de Ré, visitée par Rachida Dati. (REUTERS)

 

  Alors que le nombre de suicides en détention grimpe vertigineusement, les syndicats pénitentiaires s’en prennent à la ministre de la Justice. Déjà en guerre avec les magistrats, Rachida Dati a évité de peu le blocage des prisons. Le drame de Loos vient encore gonfler des statistiques macabres et alarmantes. Dans ce contexte critique, Arnaud Philippe, le président du GENEPI, répond à nos questions.


  Qu'est ce que le GENEPI?

C'est une association étudiante regroupant plus de 1300 membres bénévoles, qui s'occupent des détenus en milieu carcéral et de leurs réinsertions par la suite. Deux directions sont donc poursuivies. En premier lieu, l'intervention en détention sous la forme de cours dispensés aux détenus, et la mise en place d'activités favorisant l'ouverture culturelle. La deuxième mission du GENEPI consiste à informer le public et à le sensibiliser aux problématiques carcérales, pour faciliter la réinsertion des détenus dans la vie civile.

L'association est indifférente au passé pénal des détenus et intervient auprès de tout type de personnes dans la moitié des prisons françaises. Le GENEPI travaille en relation avec l'administration pénitentiaire

L'association est apartisane mais pas apolitique et a un devoir de témoignage. Elle prend ainsi position sur les grands thèmes de société qui tournent autour de la question carcérale.


  Etes-vous inquiets de l'augmentation des suicides en prison?

Le sujet est préoccupant et récurrent en prison où on se suicide 7 fois plus qu'ailleurs et 7 fois plus encore en quartier disciplinaire (donc 49 fois plus qu'à l'extérieur). La surpopulation reste le problème majeur.

En 2003 un rapport de l'administration pénitentiaire fixait des objectifs chiffrés de diminution du nombre de suicide. Après des années de baisse le chiffre repart à la hausse en 2008. La politique anti-suicide est impossible à appliquer dans les conditions actuelles. La surpopulation atteint des sommets avec 63.000 détenus pour 50.000 places. Ce qui fait 13.000 détenus de trop et donc 26.000 détenus touchés par le problème (les personnes supplémentaires étant placés dans la cellule d’autres détenus).

A l'heure actuelle on peut les empêcher de mourir, en supprimant les endroits où accrocher une corde dans leur cellule, mais on ne peut pas leur donner envie de vivre. On ne peut pas combattre le problème sur le fond.

Dans cette optique, le GENEPI essaye de lutter contre l'oisiveté, de proposer une ouverture sur le monde extérieur, d'aider les détenus à envisager la vie au delà de la prison.


  Quelles solutions sont à envisager pour faire évoluer la situation?

Il existe un problème structurel, qui fait que l'enfermement est dur à supporter psychologiquement. On peut ainsi déplorer la faiblesse des SMPR (Service Médicaux Psychiatriques Régionaux, ndlr), des cours et des activités proposés par l'Etat. Le système même de la prison qui est une structure infantilisante pour les détenus (journée réglée à la minute...) crée un affaiblissement psychologique. Après, le suicide est lié à des cas psychiatriques personnels que nous ne pouvons juger.

En ce qui concerne la politique actuelle, le GENEPI est dans une logique déflationniste. La peine de prison est devenu la référence et c'est une erreur. La mise en place des peines planchers est un facteur clair d'augmentation des effectifs. On nous dit que l'effet préventif va à terme permettre de diminuer le nombre de détenus. L'exemple américain prouve le contraire.

Nous sommes en faveur des peines alternatives, travaux d'intérêts généraux, rappel à la loi... Il faut que la peine de prison reste la dernière sanction, l'ultime recours.


NICOLAS CHAPUIS

Publié dans Dans les médias

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